Invités par le Réseau des Anciens d’IPJ, les journalistes d’investigation Elizabeth Fleury et Gérard Davet ont évoqué, mercredi 11 janvier, les limites de leur métier. Au menu : l’honnêteté intellectuelle, la hiérarchie, la concurrence et le « danger » d’Internet.
« Le risque pour moi, c’est de faire mal aux gens, d’écrire des conneries, ou d’être pris à défaut », explique Gérard Davet. Pour le journaliste du Monde, l’investigation journalistique est d’abord une affaire d’honnêteté intellectuelle. Le reporter n’a pas le droit à l’erreur et engage tout le journal : « Si on se plante, on entraîne toute la réputation du Monde », argumente-t-il.
L’enquêteur doit en effet composer avec ses supérieurs pour faire son travail correctement. L’affrontement est pourtant aussi dur qu’avec soi-même, selon Elizabeth Fleury du Parisien. Soit les directeurs de rédaction survalorisent sa rubrique quand cela ne s’y prête pas : « il y a toujours des chefs de rubrique pour survendre l’information. » Soit ils n’y font guère attention : « toute une partie est délaissée pour des raisons commerciales ».
Dans la série « l’enfer c’est les autres », le journaliste est en concurrence avec ses confrères. Elizabeth Fleury relève qu’il existe « toujours un risque qu’ils sortent les premiers l’info » si bien qu’elle est « sans arrêt en train de regarder derrière elle ». « On passe notre temps à se tirer la bourre », confirme Gérard Davet.
Dernière menace : le journalisme web qui, en imposant l’instantanéité, risque de tuer l’enquête. Pour le journaliste du Monde, « il y a un grand danger sur Twitter et dans les blogs. Il faut traiter l’info avec rigueur et se donner du temps ». « C’est de plus en plus tendu. Disposer de dix jours est devenu un luxe », ajoute Elizabeth Fleury.
César Armand